En réaction à la crise, fleurissent cagnottes et fonds pour venir en aide au monde de la culture. Des initiatives solidaires destinées à soutenir les artistes et les lieux culturels. Dans le spectacle vivant, deux ont retenu notre attention : « spectateurs solidaires » de la plateforme Proarti, et le la collecte de dons « FG for DJ’s » initiée par radio FG. Un point commun ? Deux opérations portées par un fonds de dotation. Pourquoi un tel outil ? Est-ce la recette gagnante de toute collecte ? Notre analyse pour les curieux, les donateurs, et tout acteur culturel souhaitant créer un fonds de dotation afin d’optimiser sa collecte.
Qu'est-ce qu'un fonds de dotation ?
Le fonds de dotation est à la fois un outil original, simple, fiscalement sécurisé et attractif. Créé par la loi du 4 août 2008, il présente les avantages de l’association et de la fondation, sans les inconvénients. Issu de la mise en commun d’un capital pour la réalisation d’un objet d’intérêt général, le fonds de dotation puise son inspiration dans les endowment funds anglo-saxons tout en s’en détachant aujourd’hui. En effet, il se décline souvent selon une palette plus large de formules adaptées à la volonté des fondateurs.
Loin de la finalité originelle de l’outil de capitalisation, bon nombre de porteurs de projets créent un fonds de dotation dans l’objectif d’optimiser leur recherche de fonds privés. Le secteur culturel ne fait pas exception. Les raisons ?
Pourquoi un fonds de dotation ?
- Simplicité et rapidité de création. N’importe qui peut créer un fonds de dotation. Une personne physique ou morale, de droit privé (association, société …) ou de droit public (commune, région …). La procédure de constitution se fait par dépôt des statuts à la préfecture. Pas d’autorisation administrative préalable. Une étude sous un délai réduit. Et une obtention de la personnalité morale par la publication au Journal Officiel. Il faut cependant noter que la création d’un fonds de dotation suppose de pouvoir réunir 15 000 euros pour constituer la dotation initiale.
- Liberté dans ses modes d’intervention. La durée du fonds peut être déterminée ou indéterminée. Il peut agir directement (« fonds opérationnel ») ou indirectement (« fonds redistributeur ») pour remplir son but d’intérêt général. Cependant, bon nombre adopte un fonctionnement mixte. Cependant, les critères d’éligibilité au régime fiscal du mécénat peuvent être de nature à limiter les champs d’intervention. Nous le verrons par la suite.
- Attractivité. Disposant de la grande capacité juridique, le fonds de dotation peut recevoir toute forme de libéralité, dons manuels, donations et legs. Surtout, pour ses donateurs, particuliers ou entreprises, s’applique le régime favorable du mécénat (article 200 et 238bis du CGI). Très brièvement, sous réserve de l’atteinte de seuils, un don de 50 euros « ne coûte » que 17 euros pour le mécène particulier – 20 euros pour l’entreprise.
- Confiance. Les obligations liées à son fonctionnement permettent de l’affirmer : tenue d’un compte d’emploi des ressources collectées auprès du public, certification des comptes par un commissaire aux comptes, contrôle externe du préfet … Autant de gages de sécurité et de transparence pour les donateurs.
Fonds de dotation et cagnottes, leviers de démocratisation du don
Plus largement, par son ouverture facilitée au mécénat des particuliers, le fonds de dotation est un outil de démocratisation possible du don. Moteur ou adossé à une campagne de crowdfunding, il est générateur de citoyenneté participative. Les publics deviennent mécènes, financeurs, et quelque part décideurs et acteurs à part entière. Le régime du mécénat applicable aux fonds de dotation favorise ainsi l’élan de générosité du public. En effet, si sa fiscalité avantageuse n’est pas moteur du don, elle a clairement un effet sur son montant.
Le portage de collectes par un fonds de dotation s’avère donc particulièrement séduisant. Mais, attention ! Intervention d’un fonds de dotation ne signifie pas automatiquement éligibilité de l’opération au mécénat.
Fonds de dotation collecteur et éligibilité au mécénat
Toute l’attention doit porter sur le bénéficiaire du fonds de dotation collecteur, qui doit lui-même être éligible au mécénat. Ce qui suppose la réunion des critères suivants :
- Exercer une activité dans un des domaines de l’intérêt général précisés dans les articles 200 et 238bis du CGI. Parmi ces activités, figurent les activités à caractère culturel.
- Ne pas fonctionner au profit d’un cercle restreint de personnes.
- S’inscrire dans une gestion désintéressée.
- Exercer une activité non lucrative, ou plutôt ne pas exercer une activité lucrative de manière prépondérante.
- Et démontrer, en cas d’activité lucrative, son utilité sociale, notion qui fait appel à la fameuse règle des « 4 P » – c’est à dire Produit, Public, Prix, Publicité, et à laquelle nous ne nous attarderons pas ici.
"L'exception culturelle" en matière de mécénat
Au vue des critères précédents, l’assujettissement d’une organisation aux impôts commerciaux l’exclut du régime du mécénat. Cependant, l’article 238bis du CGI fournit d’importantes précisions pour le secteur culturel. En effet, peuvent solliciter des dons au titre du mécénat, des « organismes publics ou privés […] dont la gestion est désintéressée, et qui ont pour activité principale la présentation d’œuvres au public d’œuvres dramatiques, lyriques, musicales, chorégraphiques, cinématographiques et de cirque, ou l’organisation d’expositions d’art contemporain, à la condition que les versements soient affectés à cette activité ».
Dès lors qu’elles interviennent dans les activités délimitées, les structures culturelles peuvent donc se prévaloir du mécénat. La question de la « gestion désintéressée » est donc au cœur de la problématique de leur capacité à utiliser le mécénat comme source de financements.
Les structures culturelles bénéficiaires doivent en outre veiller à l’utilisation des dons collectés dans les champs délimités. Ainsi qu’en rendre compte aux donateurs, et notamment au fonds de dotation collecteur pour leur compte.
Qu’en déduire en pratique ? Revenons pour illustrer, sur les deux opérations énoncées en introduction.
"FG for Djs", un fonds de dotation au soutien des artistes
Radio FG donne la possibilité à tous les amoureux de musiques électroniques de manifester leur solidarité aux DJ les plus précarisés par la voie du fonds de dotation qu’il a constitué. A caractère artistique et social, ce fonds « chapeaute » la collecte de dons qui leur est dédiée, sur la plateforme hello.asso.
Bien que les bénéficiaires des dons soient in fine, des personnes physiques, les dons sont ici défiscalisables. Mais n’est-ce pas en contradiction avec les règles précédemment énoncées ? Non. Certes, les personnes physiques ne peuvent bénéficier du mécénat direct d’entreprises ou de particuliers. Mais il est tout à fait admis que les fondations et fondations puissent verser des aides sous la forme de prix ou de bourses.
Tout l’enjeu réside alors dans la clarté sur les conditions de candidature et les critères de sélection des bénéficiaires. Des critères en cours de définition par le fonds Radio FG qui prévoit un espace de dépôt des demandes pour les musiciens précarisés.
"Spectateurs solidaires" par la plateforme Proarti, une solution ...
Ce dispositif permet aux lieux culturels de proposer la voie du don aux spectateurs solidaires, autrement que par le renoncement au remboursement de leur billet. Concrètement, proarti propose la mise en place d’une collecte directement sur le site du lieu culturel. Les spectateurs peuvent ainsi opter pour un don, aussi simplement techniquement qu’un logiciel de billetterie. Ce don, effectué pour le compte de proarti, est ensuite reversé au lieu culturel qui rembourse de son côté le spectateur. Par ailleurs, c’est proarti, en tant que récipiendaire du don, qui se charge de l’envoi des reçus fiscaux aux donateurs.
La formule présente l’avantage d’inciter le spectateur à donner plus que la valeur de sa place. Ce qui permet au lieu culturel d’honorer les prix de cession aux artistes tout en limitant ses pertes d’activité.
... pour tous les acteurs culturels, sous conditions
Au regard du régime du mécénat, comment s’opère dès lors le reversement des dons collectés ? Deux cas de figures. Premier cas, le lieu est éligible au mécénat. Proarti lui reverse alors les sommes collectées sous forme de dons. Second cas, le lieu ne l’est pas (structure commerciale). Proarti propose le reversement sous forme d’apports en production. Mais ce transfert nécessite plusieurs précautions afin de garantir le caractère défiscalisable des dons des spectateurs. Elles tiennent principalement au fléchage des sommes collectées sur des actions elles-mêmes éligibles. A ce titre, on optera ainsi pour le financement des structures artistiques impliquées dans le spectacle. Ou le financement d’actions de solidarité au secteur culturel. Quel que soit le choix, il faudra veiller à ce que cette utilisation soit cohérente avec le message affiché sur la collecte s’agissant de son objet. Transparence et confiance du donateur n’ont en effet pas de prix en matière de financement participatif.
Pour finir, il faut toujours prêter vigilance au traitement fiscal de l’apport en production. A défaut de contrepartie associée, il peut être requalifié en don. Ce qui signifie l’application possible de droits de mutation si le lieu culturel n’est pas éligible au mécénat. Une donnée à ne pas négliger.
Pas de réussite sans réflexion stratégique en amont
Ces deux exemples démontrent que le fonds de dotation est un outil séduisant, à la condition d’une vaste réflexion en amont. Et ceci à double titre. D’une part, sur le plan fiscal comme nous venons de le voir. Mais aussi, d’autre part, sur le plan stratégique, afin que la collecte soit à la hauteur des espérances. En effet, la réussite d’une collecte, aussi légitime soit sa cause, nécessite de mener campagne. Et toute campagne, se prépare, se raconte, se partage … pour engager largement et être le moteur d’une relation durable avec les donateurs. Une relation dont la campagne n’est que le commencement. A ce propos, Orcène ne vous le dira jamais assez, toujours remercier, en cours et après la campagne. Et surtout, plus que de rendre compte aux donateurs, ne pas oublier de montrer l’impact de leur don sur la cause que vous portez.
Si la forme du fonds de dotation vous intéresse et que vous envisagez de le mettre en oeuvre pour financer un projet d’intérêt général et faire appel au mécénat de particuliers, Orcène peut vous aider. Nous saurons vous conseiller sur la faisabilité de cette solution, notamment au regard du droit fiscal. Contactez-nous :