Covid 19 : fonds de soutien pour la culture, état des lieux et infographie

Quels fonds de soutien pour la culture ? Après notre exposé des premières mesures pour le spectacle vivant, concentrons-nous sur ces aides directes et exceptionnelles – complémentaires aux autres formes de soutien ( avances, prêt, garanties, chômage partiel …). Pourquoi ? Parce qu’en dépit l’effort pédagogique de sites ressources professionnels, leur pleine connaissance s’avère compliquée. En effet, l’information reste éparpillée, parfois lacunaire quand l’aide se résume à une simple annonce sans précision des conditions. La multiplicité des filières, des opérateurs, des statuts et des métiers des artistes explique certes cela. Tout comme la compréhension des besoins nécessite du temps pour établir le dispositif adéquat. Mais plaidons pour un cadre général, des dispositifs plus clairs et plus protecteurs pour les professionnels de la culture. Espérons que les prochaines annonces du gouvernement soient à la mesure des enjeux. En attendant, tentons l’exercice d’un état des lieux des fonds existants. En mots et en image.

Les fonds de soutien destinés aux entreprises culturelles

Les fonds de soutien non spécifiques aux entreprises culturelles

Fonds de solidarité pour les TPE et PME

Dans l’arsenal de son bouclier de trésorerie pour le secteur économique, l’État a créé un fonds de solidarité. Doté de 7 milliards d’euros, il est destiné à prévenir la cessation d’activité des TPE, indépendants et micro-entrepreneurs. Surtout, les associations ayant une activité économique, ainsi que les artistes-auteurs peuvent en bénéficier.

Ce fonds est décliné en deux volets. Le premier doit permettre aux entreprises touchées de bénéficier de 1 500 euros (volet 1). Les plus en difficultés peuvent toucher jusqu’à 5 000 euros complémentaires grâce aux concours des régions (volet 2).

Conditions d’éligibilité ?

  • Faire un chiffre d’affaires (ou recettes d’activité) de moins d’ 1 million d’euros ,
  • Et subir une fermeture administrative
  • ou une perte de chiffres d’affaires de plus de 50% sur le mois de la demande par rapport au mois de l’année précédente (chiffre d’affaire mensuel moyen pour les entreprises créées postérieurement).

La demande se fait sur déclaration sur le site www.impots.gouv.fr s’agissant du volet 1. Celle concernant le volet 2 se fait auprès des services de sa région.

Le dispositif de secours de l’ESS

L’idée de ce dispositif ? Proposer une aide d’urgence simple, rapide et souple pour coller au plus près des besoins et de la diversité des situations des entreprises, associations de moins de 3 salariés, de l’économie sociale et solidaire (ESS). Les associations culturelles, ainsi que les artistes-auteurs sont également concernés.

Un seul critère : l’aide doit être décisive pour la continuité immédiate de la structure.

Montant du fonds ? 3 millions d’euros en amorçage (un appel à l’ensemble des financeurs institutionnels, entreprises et fondations, … a été lancé pour abonder à ce fonds) . Il se repartit comme suit :

  • 1,5 million d’aide directe
  • 1,5 million valorisé pour l’accompagnement gratuit des structures soutenues.

En quoi consiste l’aide apportée ?

  • Une aide directe forfaitaire de 5 000 euros.
  • Un diagnostic et un accompagnement via le Dispositif Local d’Accompagnement (DLA) de 5 000 euros (moyenne). Cet accompagnement a pour objectif d’assurer la viabilité et d’aider au redressement de l’organisation.

C’est France Active et le DLA qui portent cette mécanique territorialisée. Précisément, l’identification des organisations éligibles se fait par les référents du DLA. Ces référents sont présents partout sur le territoire français, y compris en outre-mer. Une fois le besoin identifié d’une association, le dossier est envoyé aux services de France Active. Ils activent l’aide si son caractère décisif est vérifié.

Pour mieux comprendre ? Vous pouvez consulter la page dédiée de l’AVISE (agence d’ingénierie de l’ESS à l’échelle nationale).

A noter, le document de synthèse du Haut-commissariat à l’ESS est une référence utile pour les associations culturelles. Exhaustif, explicatif et mis à jour régulièrement, il permet une veille efficace.

Les actions des collectivités territoriales

« Chefs de file » du développement économique des territoires, toutes les régions sont mobilisées. Leurs soutiens se déclinent selon une palette d’interventions, prenant la forme parfois de subventions exceptionnelles. Ces aides d’urgence s’adressent à la culture, mais aussi parfois à d’autres secteurs ( ESS, sport, tourisme). Les départements, métropoles, intercommunalités et villes proposent également des aides d’urgence ou abondent des fonds existants.

Consulter le site de sa région est par conséquent un réflexe indispensable. Suivre ceux de son département et de sa commune aux compétences partagées dans le champs culturel, l’est tout autant.

Les portails les plus intéressants pour faciliter vos recherches : France Festival, IRMA, Syndeac.

Les fonds des régions

Aperçu par région – secteurs concernés – dotation et montant de l’aide :

  • Auvergne Rhône-Alpes : associations culturelles / 15 millions d’euros / 5 000 euros (urgence-culture@auvergnerhonealpes.fr).
  • Bretagne : monde associatif et culturel / 5 millions d’euros (culture@bretagne.bhz).
  • Centre-Val de Loire : structures impactées par l’annulation de spectacles / 1 million d’euros.
  • Grand Est : entreprises et associations / 44 millions d’euros / de 5 à 30 000 euros.
  • Hauts de France : plusieurs fonds – qui se libèrent cependant sous la forme d’avances de trésorerie ou de prêts garantis.
  • Ile-de-France : équipes artistiques, lieux et opérateurs professionnels du spectacle vivant / 10 millions d’euros.
  • Normandie : structures culturelles fragilisées (2 millions d’euros) et un « plan de relance culture » doté d’1 million d’euros.
  • Nouvelle Aquitaine : associations employeuses / 5 millions d’euros / 1 500 euros à 20 000 euros.
  • Occitanie : associations organisatrices d’évènements / 5 millions d’euros /jusqu’à 30 000 euros.
  • Pays de la Loire : associations organisatrices d’évènements / 4,3 millions d’euros (fondsculturesport@paysdelaloire.fr)
  • Provence-Alpes-Côte d’Azur : monde associatif (à venir) et pour le cinéma et l’audiovisuel / 2,16 millions d’euros / (cinema@maregionsud.fr)
  • La Réunion : très petites entreprises / subventions allant de 1 000 à 2 500 euros.
  • Guadeloupe / Martinique / Mayotte : des dispositifs régionaux, mais pas de fonds spécifique d’aides directes.

Les fonds spécifiques aux entreprises culturelles

Les lignes directrices du Ministère de la Culture

Le ministre de la Culture, Franck Riester a annoncé plusieurs mesures et une aide d’urgence à hauteur de 22 millions d’euros. Ce premier plan cible les acteurs du spectacle vivant et des arts visuels, pour accompagner leurs pertes de recettes. Concrètement ? Le Ministère a délégué la distribution de ces aides aux centres nationaux sectoriels, ainsi que l’Ifisc, parfois aux organismes de gestion collective. Ces organismes redistribuent ensuite les enveloppes budgétaires dédiées aux artistes auteurs, voire aux structures de diffusion. Avec la condition, le plus souvent, que la rémunération des équipes artistiques sur les engagements déjà pris soit assurée malgré l’annulation (ou avance en cas de report).

Notons aussi le paiement simplifié des subventions pour accompagner les lieux subventionnés et éviter les difficultés de trésorerie. Les DRAC en sont les maîtres d’œuvres. Ajoutons l’apport des régions via les agences culturelles quand celles-ci existent.

Par filières, l’enveloppe se répartit comme suit :

  • Musique : 10 millions d’euros (1ère enveloppe dotée par le CNM) pour les entreprises du spectacle musical (quid de la musique enregistrée ?).
  • Spectacle vivant hors musical, théâtres privés : 5 millions d’euros. En l’absence de centre national pour cette filière, « les fonds seront alloués en lien avec les organisations professionnelles ».
  • Livre (via le CNL) : 5 millions pour les éditeurs, les auteurs et les libraires.
  • Arts visuels (via le CNAP et les DRAC) : 2 millions d’euros (pour les galeries d’art, les centres d’art labellisés et les artistes auteurs).

Comment se plan se décline par le biais des centres nationaux et des organisations professionnelles et collectives ?

La mobilisation par filières via les centres nationaux

  • Le Centre National de la Musique (CNM) : doté comme vu précédemment de 10 millions d’euros, ce fonds secours a été abondé à hauteur de 1,5 million d’euros par la SACEM, l’ADAMI et la SPEDIDAM. Soit 11,5 millions d’euros destinés aux TPE et PME disposant d’une licence d’entrepreneur du spectacle. Ajoutons que Spotify s’est engagé à alimenter ce fonds à hauteur des dons récoltés via sa plateforme (SpotifyCovid-19 Music Relief).
    • Le montant de ces aides de trésorerie, de 8 000 euros, pourra être relevé à 11 500 euros si le demandeur s’engage à verser une compensation aux artistes interprètes.
    • Cette incitation comprend aussi une mesure de solidarité pour les auteurs et compositeurs en difficulté. Pour en savoir plus : fonds CNM.
  • Le Centre National du Livre (CNL) : sur l’enveloppe de 5 millions d’euros, 1 million d’euros par moitiés égales, pour les maisons d’édition indépendantes les plus fragiles et les librairies francophones à l’étranger. Il s’agit en effet de répondre aux besoins d’entreprises qui ne peuvent bénéficier du fonds de solidarité national. Par ailleurs, le dispositif comprend le principe d’un fonds de secours pour les librairies afin de compenser leur perte d’activité. Cependant, pas de précision sur son montant – une partie du solde de l’enveloppe de 3 millions d’euros, 1 million étant affecté par ailleurs pour les auteurs ? Les régions, appelées à abondées, seront sans doute en première ligne pour sa mise en œuvre. Tous les détails ici.
  • Le Centre National des Arts Plastiques (Cnap) : il gère 1,2 million d’euros de l’enveloppe dédiée dont 600 000 euros permettent le financement d’une commission d’acquisition exceptionnelle. Concrètement, cette commission décidera de l’acquisition d’œuvres d’art de la scène française auprès de galeries françaises. Une décision qui vise à soutenir leur économie touchée par l’annulation des foires et expositions. Pour le dépôt des demandes : ici.

L’action des organismes professionnels et/ou de gestion collective

Deux raisons expliquent leur mobilisation. La première, est de pallier l’absence de centre national pour la filière, comme c’est le cas pour le spectacle vivant non musical. La seconde, en particulier pour les organismes de gestion collective, tient au soutien indirect de leurs cibles originelles que sont les artistes auteurs, à travers le soutien aux structures de production et de diffusion qui portent les projets artistiques.

  • L’ Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) assure la gestion opérationnelle du fonds doté par l’État pour le spectacle vivant musical privé. Sa participation est de 600 000 euros aux côtés de l’ADAMI (200 000 euros) et la ville de Paris. D’autres opérateurs, financeurs et collectivités devraient abonder. Ses bénéficiaires ? Les exploitants de théâtres privés et les tourneurs et producteurs de théâtre non subventionnés (adhérents ou non à l’ASTP), ainsi que les compagnies non subventionnées – dans les champs du théâtre, de la danse, du cirque et des arts de la rue. Ces aides prendront la forme de prises en charge partielle des charges fixes. L’ASTP annonce la mise en ligne prochaine d’un portail d’informations.
  • LAdami maintient 1,8 million d’euros d’aides financières aux projets artistiques annulés ou reportés.
  • La SACEM a complété d’1 million d’euros l’actuel programme d’aide aux éditeurs de musique, et élargi ses critères. Cette aide éditoriale a pour objectif de les accompagner et de les aides à relancer leurs activités. Deux programmes : pour la musique contemporaine, et pour la musique actuelle (à venir).
  • La Société Civile des Producteurs de Phonogrammes (SCPP) a lancé un plan de soutien de 9 millions d’euros. Le premier volet de 5,2 millions d’euros permettra le financement d’aides aux producteurs indépendants. Le second volet, 3,8 millions d’euros financera des aides à la création pour la relance de l’activité à l’issue du confinement.

Les fonds de soutien pour les artistes auteurs

Mesures transversales du gouvernement

Le Ministère de la Culture souhaite que son plan « bénéficie également, dans chaque secteur, aux artistes auteurs concernés ». A ce titre, ils bénéficient premièrement des mesures transversales décidées par le gouvernement et ses ministères dont le fonds de solidarité national. Si on peut se satisfaire de cette reconnaissance, elle est bien insuffisante. En effet, peu d’artistes-auteurs y sont éligibles, faute de numéro de siret par exemple. C’est le cas en effet des auteurs dont les charges sociales sur les droits d’auteur sont précomptées et directement versées par les diffuseurs auprès de l’Urssaf, et déclarant fiscalement leurs revenus en traitement et salaires.

Les principes d’intervention énoncés par le Ministère de la Culture

Par ailleurs, le Ministère de la Culture a émis la recommandation à l’ensemble des acteurs d’honorer leurs engagements, afin que les rémunérations des artistes auteurs ne soient gelées. Pour autant, ces mesures sont loin de répondre à l’ensemble des besoins. Aussi, les artistes auteurs sont en première ligne des mesures sectorielles, complémentaires et subsidiaires que les opérateurs sectoriels doivent déployer – avec le concours des organismes de gestion collective.

L’action par les organismes de gestion collective

Les organismes de gestion collective assurent en effet, une grande part de l’administration opérationnelle des fonds dédiés. Par ailleurs, ils mettent en place des aides sociales d’urgence pour répondre aux situations les plus prégnantes. A cette fin, ils sont autorisés à élargir le périmètre d’utilisation de la part des sommes collectées dans le cadre de la copie privée – des sommes habituellement affectées à des actions culturelles.

Reconnaissons que ces dispositifs ne répondent que partiellement aux difficultés des artistes-auteurs, déjà très fragilisés économiquement. Premièrement, élaborés sous le prisme des industries culturelles, ils sont inadaptés aux « multi-métiers » de nombreux auteurs. Deuxièmement, ils s’effectuent selon des modalités, des justificatifs et des critères divers. Et comment expliquer que les montants des soutien diffèrent selon les filières ? Voyons ceci en détail.

La SACD pour les auteurs compositeurs dramatiques

La SACD a mis en place un dispositif global de soutien aux auteurs compositeurs dramatiques décliné en trois volets :

  • Le Fonds d’urgence Spectacle vivant (financé par le ministère de la Culture) s’adresse aux auteurs d’œuvres de spectacle vivant qui ne bénéficient pas du Fonds de solidarité gouvernemental. Dotée d’une enveloppe maximale de 500 000 euros, cette nouvelle aide constitue une démarche de solidarité adaptée à la réalité de leur situation et tient particulièrement compte de l’irrégularité de leurs revenus.
  • Le Fonds Télévision, Cinéma, Animation, Web, avec la participation financière du CNC concerne les auteurs de ces filières ne bénéficiant ni du fonds de solidarité national, ni du chômage partiel, ni d’une aide exceptionnelle. Elle doit leur permettre de faire face à la baisse de leurs revenus liée à la crise sanitaire.
  • Le Fonds d’urgence Solidarité, est destiné à soutenir les auteurs les plus en difficulté : ceux ne bénéficiant d’aucun revenu fixe, ni allocation de retraite, ni salaire …

L’ Adami, pour les artistes interprètes

Outre 1,8 million d’euros débloqués pour un paiement versé directement aux artistes interprètes sous la forme d’une répartition exceptionnelle, l’ADAMI a doté de 330 000 euros supplémentaires, son dispositif « droit au cœur ». Cette dotation supplémentaire vient au soutien des artistes qui font face aux situations sociales les plus urgentes.

La Sacem pour les auteurs et compositeurs de la musique

La Sacem a mis en place un Fonds de secours pour répondre aux besoins des auteurs et compositeurs qui connaissent des situations de grande détresse liée aux effets de la crise sanitaire. L’aide s’échelonne de 1 500 euros à 3 000 euros selon les situations.

La SGDL pour les auteurs du livre

Afin de soutenir les auteurs du livre durant cette période difficile, la Société des Gens de Lettres, avec le soutien du CNL, a mis en place une aide d’urgence exceptionnelle. Un fonds dédié de 2 millions d’euros est doté à parité par le CNL à hauteur d’un million d’euros et par cinq organismes de gestion collective du secteur de l’écrit (SOFIA, CFC, Scam, ADAGP, SAIF). Il permet aux auteurs qui ont connu des pertes de revenus de recevoir une aide d’urgence exceptionnelle pouvant aller jusqu’à 1 500 euros/mois. Cette aide est réservée aux auteurs ne pouvant bénéficier du fonds de solidarité national.

La Scam pour les auteurs de l’audiovisuel

Trois fonds financiers structurent son intervention :

  • Fonds pour l’écrit :
    • La Scam participe financièrement au fonds dédié du SGDL. Cette aide doit permettre de venir en aide aux illustrateurs / rices et photographes ayant un projet de livre.
  • Fonds pour l’audiovisuel
    • La Scam a créé ce fonds de solidarité abondé par le Ministère de la Culture via le CNC. Il doit permettre le versement d’aide d’urgence de 1 500 euros aux auteurs et autrices de documentaires audiovisuels aidés par le CNC, non éligibles au fonds de solidarité national.
  • Fonds Scam d’aide sociale
    • La Scam augmente son fonds d’aide sociale d’urgence destiné à ses membres en situation de fragilité financière due à une baisse soudaine de leur activité professionnelle.

Le Cnap pour les artistes

Le Cnap a créé un « fonds d’urgence 2020 », en complément des démarches engagées par les lieux du réseau institutionnel des arts plastiques visant à rémunérer les artistes auteurs. A travers ce fonds doté de 500 000 euros, le Cnap propose des aides aux artistes auteurs, commissaires, critiques et théoriciens d’art. L’objectif est de compenser les pertes de rémunération non couvertes par le fonds de solidarité nationale

Le fonds Netflix – Audiens

Ce fonds d’urgence vient compléter le dispositif d’aide sociale d’Audiens aux artistes et techniciens intermittents de l’audiovisuel et du cinéma. Netflix apporte une contribution à hauteur d’1 million d’euros.

En une image, l’état des lieux des fonds de soutien

Etat des lieux des fonds de soutien pour la culture