Le Studio Ohm, un studio d’enregistrement qui mise sur le collectif

Fin 2020, Orcène a eu le plaisir d’accompagner le studio d’enregistrement OHM afin de renforcer le modèle économique de l’association. Cette mission s’est notamment traduite par le développement d’un catalogue de prestations. Au fil de notre collaboration, nous avons découvert une association porteuse de valeurs bien ancrées, solidement implantée au coeur d’un réseau de partenaires ligériens, et travaillant toujours en collectif. Alors, comment cette association a-t-elle enclenché son cercle vertueux ? Aujourd’hui, Yann Tournay, ingénieur son du Studio OHM, nous accorde une interview pour présenter les recettes du succès.

Bonjour Yann, peux-tu nous nous présenter le Studio OHM, ainsi que ton parcours ?

Le studio OHM est un studio d’enregistrement de musiques actuelles créé sous forme associative en 2012. Nous l’avons imaginé à trois, avec un collègue qui s’occupait d’un label d’indie folk, Pierre Loechner de My little cab records, et Emmanuel Nogues, un ingénieur de polytechnique qui avait fait un mémoire autour des musiques actuelles dans les tiers lieux. Pour ma part, j’ai une double casquette d’animateur socio-culturel et d’ingénieur du son. J’avais donc envie d’inscrire l’association dans des démarches de projets socio-culturels.

Dès la naissance de la structure, la volonté était de pousser plusieurs domaines et de faire des ponts entre différents métiers des musiques actuelles. Aujourd’hui, on a enfin réussi à monter un tiers-lieux au centre-ville de Saint-Nazaire, avec un copain luthier Ol’Caster Custom, et un copain vidéaste, Envel.

Yann Tournay, ingénieur son du Studio OHM, working his magic

Ce qui fait partie de l’ADN du studio d’enregistrement et de l’association, c’est de ne pas avoir d’étiquette et de ne pas s’enfermer dans des genres musicaux. On essaye de travailler avec toutes les esthétiques, et avec tout le monde : amateurs, professionnels, hommes, femmes, gens des quartiers, CSP+… Pour nous, c’est important de travailler avec des gens très différents, tout le temps.

Le travail en réseau est co-substantiel du mode du fonctionnement du Studio OHM. Que vous apporte ce mode de collaboration ?

Nous entrons presque à outrance dans les démarches de partenariats, puisqu’on ne fait rien tout seuls ! On tient vraiment, dans le cadre des actions socio-culturelles, à ne jamais mener des projets seuls. A plusieurs, on est plus forts. Nous n’avons pas toutes les compétences de l’univers ! On essaye toujours de trouver des partenaires qui comblent nos lacunes.

Par exemple, prenons notre projet phare, « Résidences Secondaires ». Il s’agit d’un projet de production d‘EP promotionnel pour des artistes ou des groupes qui se lancent et veulent se professionnaliser. Dans le cadre de ce projet, nous avons 5 partenaires ! Le VIP, qui est la SMAC locale, l’association NCA Tranq’s, qui fait de l’accompagnement d’artistes sur des esthétiques de musiques urbaines, Tam Tam productions, qui est producteur de spectacles mais aussi de disques sur des esthétiques World ou celtiques, le tremplin Parazic à Coueron, et LMP, un développeur d’artistes local qui mène également des actions socio-culturelles auprès des publics jeunesse.

Monter des projets en collectif, ça vous branche ? (ok on sort)

Chacun a son domaine particulier. Le VIP intervient lors de rendez-vous conseil sur la gestion des droits et droits voisins, et sur la pré-production pour des groupes nombreux ou aux esthétiques particulières. LMP propose des rdv sur la communication et la recherche de programmateurs. Le premier prix du tremplin Parazic est un EP produit dans le cadre du programme… Les domaines d’intervention sont bien segmentés et complémentaires !

Le projet associatif du Studio OHM implique notamment de développer l'estime de soi par la musique et de propager la culture du son. Quelles actions avez-vous développé en ce sens ?

Développer l’estime de soi, c’est sous-jacent à ce que l’on propose par le biais associatif. Prenons justement « Résidences Secondaires » : nous recevons beaucoup de formations amateurs dans le cadre de ce dispositif. Ces musiciens ont tendance à se sous-estimer, et cette action permet de leur montrer qu’ils sont tout à fait capables de faire des choses très bien ! Avec les moyens que l’on met en place, on leur démontre qu’ils ont la capacité de monter des choses au niveau professionnel, et qu’ils peuvent promouvoir leur musique et démarcher sans avoir honte !

Un autre de nos dispositifs, ce sont les « Ateliers d’Expression » : on travaille essentiellement avec des publics jeunes ou en difficulté. L’idée est de montrer que tout le monde peut écrire des jolies choses, s’exprimer correctement, que ce soit en musique ou d’une autre manière. Dans le cadre des « Ateliers d’Expression », on l’a vu encore cette année, on reçoit une majorité de filles et de jeunes femmes qui viennent en exprimant des passions pour la musique, et parce qu’elles rêvent de travailler avec des coaches artistiques et de venir en studio.

Le programme "Ateliers d'expression" permet de développer l'estime de soi par la prise de parole.

On évoque souvent la présence marginale des femmes dans les musiques actuelles. Observez-vous ce phénomène dans vos activités ?

Ce sont des publics que l’on perd un peu à l’âge adulte. On y prête de plus en plus attention, surtout que l’association a maintenant une dizaine d’années et du recul sur les dispositifs. Les premières années, on travaillait beaucoup avec des publics des quartiers et des esthétiques urbaines. On pensait que la présence masculine serait évidente, mais le fait est que les musiques urbaines attirent également un public féminin. En revanche, on se rend compte au bout de 10 ans que, bien que l’on ouvre de plus en plus les projets et les esthétiques, la présence féminine ne s’accroit pas davantage.

Au sein des groupes et artistes solo que l’on accompagne, passés 18 ou 20 ans, on a du mal à avoir 1/3 de femmes sur les effectifs. Nous recevons quelques duos et artistes solo féminines sur des esthétiques folk rock, mais cela reste la marge. Chez les adultes, ce sont essentiellement des professionnelles. Les musiciennes amatrices ont souvent des cursus de formation musicale classique et ont conservé ces habitudes de longue date. Contrairement à ce que l’on observe dans les groupes de rock, nous rencontrons assez peu d’autodidactes.

Quelles actions mettez-vous en place pour répondre à cet enjeu de la représentation des femmes dans les musiques actuelles ?

On a la chance de travailler avec une artiste professionnelle, Dajla, qui bénéficie d’une petite célébrité. On organise des masterclass avec elle, et on essaye de proposer de l’accompagnement. On est toujours en réflexion pour essayer de trouver des subterfuges, pour montrer aux femmes qu’elles peuvent venir chez nous comme n’importe qui. On veut donner à voir à tout le monde ce dont les femmes sont capables.

Fin 2020, le Studio OHM a été accompagné par Orcène dans le cadre d'un DLA (Dispositif Local d'Accompagnement). L'objectif était d'équilibrer le modèle économique de l'association en développant son offre de services. Qu'en avez-vous retiré ?

Déjà, on en a retiré de nombreuses heures de travail. Cela nous a permis de restructurer des idées naissantes, dont la volonté d’avoir des politiques tarifaires plus claires. L’accompagnement nous a vraiment aidés à nous structurer. Tout est beaucoup plus clair pour nos clients, ce qui nous fait gagner un temps fou. Cela nous évite de faire des devis et de devoir expliquer sans arrêt nos tarifs. Quand on a des prospects qui viennent nous voir, on peut vite se concentrer sur l’essentiel, la musique. Point de vue prospection, on est sollicités tous les jours par de nouvelles personnes.

Un catalogue clair, efficace et tarifé, disponible en ligne. Nous, on y va même si on n'a rien à enregistrer.

Les relations ont également changé avec les élus. Nous avons été reçus d’une toute autre manière et les discussions ont pris une autre tournure. Une fois inscrite dans un cursus de DLA, la structure montre qu’elle a envie de passer un cap. Quand des outils concrets ont été rédigés par des professionnels dont c’est le métier, les recommandations ne sont pas prises de la même manière que quand c’est nous qui déclarons : « il nous faut un lieu plus grand » ou « on n’a pas assez d’argent pour recruter »…

Comment cette offre de services vient-elle s'intégrer dans le projet associatif du Studio ?

La création du catalogue de prestations, guidée par Orcène, nous a aidés à mieux inscrire la philosophie de la structure dans une offre commerciale. J’entends pas là qu’on a des paniers qui s’adaptent à tous les publics que l’on touche. C’était important pour nous que des gens qui n’ont pas beaucoup de moyens ou qui se lancent puissent avoir accès à des services professionnels qui ne demandent pas un gros investissement.

Et puis, on a des offres plus poussées pour les professionnels et amateurs avancés, qui sont plus en accord avec leurs capacités techniques et leur budget. Maintenant, c’est plus transparent et bien expliqué. Tout le monde comprend mieux pourquoi on applique tel ou tel tarif pour tel ou tel budget.

C’est vrai que, au-delà de l’offre, on a fait tout un travail de remise en forme rédactionnel autour de notre projet associatif, qui réaffirme nos valeurs et nos projets, ce qui nous aide auprès des partenaires locaux et collectivités locales. Ils comprennent tout de suite pourquoi, comment…

Orcène en mission auprès du Studio OHM, au bon vieux temps des rendez-vous présentiels

En effet, un autre point important du DLA était la communication mise en oeuvre autour du Studio OHM. Quels ont été les enseignements ?

Nous sommes en train de construire note nouveau site web (Note d’Orcène : sincèrement, visitez-le), grâce à notre administrateur qui est également graphiste et webmaster. Nous avons repris l’arborescence proposée par Orcène, que notre technicien a trouvée idéale. Tous les conseils SEO ont été suivis. Comme on avait refait du rédactionnel autour de nos projets, on a tout remis en forme pour le site.

Sur les réseaux sociaux, on publie plus, avec des formes qu’on a normalisées. Et ça marche ! Depuis qu’on s’y est mis sérieusement, on a une dizaine de nouveaux clients. Des marques de matériel commencent à regarder ce que l’on fait. Tout cela grâce au travail du fabuleux cabinet Orcène et de ses deux consultantes.

(Encore une note d’Orcène : Yann n’a pas subi de pressions lors de la rédaction de cet article. 😉 )

Comment envisagez-vous l'avenir ? Quels sont vos projets ?

Nous avons gagné de nouvelles collectivités, qui ont rejoint des projets déjà existants. Le fait de formaliser et proposer des projets clés en main a fait que de nouvelles municipalités et centres jeunesse nous ont suivis.

Le point de vue de nos partenaires historiques a changé. Aujourd’hui, on est suivis par beaucoup plus de monde et nos partenaires s’engagent davantage dans nos démarches, avec nous. Je pense que c’est lié au fait que les projets sont plus clairs pour nous, que la structuration de l’asso est plus solide, ce qui met tout le monde en confiance. Les gens n’ont pas peur de nous suivre sur des projets ambitieux !

Un grand bravo à Yann et au Studio OHM pour la détermination et le chemin parcouru ! De belles choses se profilent… Il paraît qu’un grand projet pourrait voir le jour prochainement, qui donnerait encore plus d’ampleur aux musiques actuelles à Saint Nazaire. Avec aux manettes, toujours un collectif !

Nos remerciements vont à France Active Pays de La Loire, qui porte le dispositif DLA dans la région, et à l’Opale, centre de ressources Culture & ESS.

Quant à nous, cher.e.s lecteurices, nous nous tenons à votre disposition si vous souhaitez évoquer vos problématiques autour de votre modèle économique. N’hésitez pas à nous contacter !